Ce qu’avait compris un ancien maire de Londres.

Publié le dimanche 11 août 2002 par admin_sat

Puisque Londres à de nouveau un maire, peut-être serait-il bon de rappeler qu’en 1907, lors d’une cérémonie d’accueil du Dr Zamenhof au Guildhall, le lord-maire, Sir T. Vezey Strong, avait dit : "Lorsqu’on m’a parlé de l’espéranto comme langue internationale, j’ai souri, car je suis un Anglais, et j’étais convaincu que, si une seule langue mondiale était possible, cette langue ne pouvait être que l’anglais. Cependant, par la suite, j’ai médité là-dessus et je me suis convaincu qu’aucun peuple n’accepterait l’hégémonie que s’assurerait ainsi le royaume britannique, tout comme moi, je ne tolérerais jamais pareille hégémonie de la part d’un autre peuple. Il devint alors clair pour moi que la langue neutre Espéranto pouvait être prise en considération."

Aujourd’hui, ce sont des jeunes qui se posent de semblables questions, et c’est d’autant plus intéressant lorsqu’il s’agit d’Américains. C’est à partir du vécu qu’Amanda Lynn Higley a pu se faire un avis sur l’espéranto. Cette étudiante californienne de 24 ans a en effet voyagé à travers l’Europe en utilisant cette langue. Elle a l’intention de faire des conférences à ce sujet dans les écoles et universités des États-Unis. Lors de son passage au Grand-Quévilly, près de Rouen, elle a déclaré au journaliste de "Paris-Normandie" (22.02.2000) : "Le système scolaire anglo-saxon n’est pas du tout adapté à l’apprentissage des langues étrangères et les élèves eux-mêmes ne s’efforcent pas d’en apprendre de nouvelles, se reposant volontiers sur leur propre langue, élue langue internationale. Je n’aime pas cet impérialisme linguistique qui renferme les américains sur eux-mêmes et leur culture".

Rares sont en fait ceux qui apprennent l’anglais dans un but culturel, et bien plus rares encore sont ceux qui ont pour objectif de contribuer à une culture de la Paix. Citoyen des États-Unis résidant au Japon, Joel Brzotowsky a écrit entre autres à ce sujet : "Lors de nombreux voyages, j’ai remarqué que la majorité des gens qui m’adressaient la parole en anglais ne s’intéressaient ni à moi en tant qu’homme, ni à ma culture. Ils s’intéressaient d’abord à l’argent. Ou ils voulaient me vendre quelque chose, ou ils voulaient apprendre l’anglais de moi, pour recevoir une meilleure instruction et un salaire plus élevé, ou autre chose. Par contraste, une grande proportion d’hommes à qui je parle en espéranto s’intéressent à moi en tant qu’homme ou pour ma culture. Beaucoup d’entre eux souhaitent se lier d’amitié et, effectivement, beaucoup d’entre eux sont devenus des amis " ("Esperanto" janvier 1998).

On ne s’interroge guère sur cet aspect de la communication linguistique, mais aussi sur un aspect autrement plus grave : celui des Droits de l’Homme. Car finalement, n’y a-t-il pas un parallélisme entre un être humain privilégié de par sa naissance par le fait d’avoir telle couleur de peau ou telle langue ? Même si elle est du domaine du possible, la maîtrise de la langue dominante exige un temps considérable, de l’argent, des moyens qui sont hors de portée de la plupart des habitants de notre planète. C’est une autre manière de creuser l’écart et donc de créer les conditions d’une rupture violente, d’un rejet. L’apartheid linguistique, ça existe. Le sujet d’une langue commune anationale (non nationale) est d’actualité. Il y a matière à réflexion...

Lorsqu’elle était ministre de la Jeunesse et des Sports, Mme Michèle Alliot-Marie avait fort bien exprimé la vocation de l’espéranto : "L’espérantisme a toujours eu pour objectif de rapprocher les hommes par-delà leurs différences raciales, culturelles et linguistiques et j’estime que, dans le monde troublé et dangereux qui est le nôtre, cette philosophie doit plus que jamais prévaloir. L’espéranto, considéré comme langue auxiliaire et respectant les langues et cultures nationales, me paraît avoir fait les preuves de son utilité comme le reconnaissent d’ailleurs de nombreux organismes internationaux."

Certains ont prêté aux espérantistes l’idée naïve selon laquelle la paix régnerait enfin sur terre si tout le monde parlait la même langue. C’est un moyen parmi d’autres pour discréditer cette langue et ceux qui la parlent. Il n’échappe à personne que des conflits internes très graves et tout aussi atroces que les guerres ont éclaté dans des pays où l’on parlait la même langue. De même, le fait de parler la même langue maternelle, au sens le plus exact du terme, n’a jamais empêché des meurtres au sein d’une même famille.

Mais le président Eisenhower, qui n’était sans doute pas spécialement naïf, avait lui-même reconnu : "La plus grande partie des difficultés internationales disparaîtraient si les peuples avaient des contacts plus fréquents entre eux". Or, la barrière des langues constitue un obstacle à ces contacts. Elle laisse le champ libre aux rumeurs porteuses de germes bellicistes.

L’avis exprimé en 1966 par l’ancien chancelier allemand Willy Brandt, Prix Nobel de la Paix 1971, pourrait servir de conclusion :
"La diversité linguistique est l’un des obstacles les plus importants sur la voie de l’amitié et de la compréhension entre les peuples.
La langue internationale espéranto s’efforce depuis longtemps et avec succès d’éliminer cette barrière. Les succès de l’espéranto sont reconnus par l’UNESCO. Que les Nations Unies veuillent insister efficacement pour que l’on poursuive l’oeuvre commencée par le Dr Zamenhof. La coopération pour l’amélioration des relations internationales doit être le grand devoir de tout homme politiquement actif. La compréhension amicale entre les hommes de diverses nations facilite à la politique l’accomplissement d’un grand devoir : faire avancer la paix."