Introduction

Publié le dimanche 11 août 2002 par admin_sat , mis a jour le lundi 9 août 2004

Engagé volontaire en 1914, l’écrivain Henri Barbusse vécut l’enfer des tranchées. Inspiré par ces épreuves, son roman « Le feu » lui valut le Prix Goncourt 1916. En préface au "Cours Rationnel et Complet d’Espéranto", édité entre les deux guerres mondiales par SAT-Amikaro, il écrivit entre autres :
"Il n’est que trop évident que si les multitudes ont été jusqu’ici séparées et hostiles, c’est qu’elles ont été excitées les unes contre les autres par des procédés artificiels ne tenant pas devant l’intelligence et la conscience. Le dialogue sincère de deux hommes sincères officiellement ennemis parce qu’appartenant à deux pays différents fait ressortir fatalement tout le mensonge social. Si modeste qu’il paraisse, au milieu de tout l’épanouissement des grandes idées de fraternité et de raison, l’apport de la langue internationale est d’un ordre immédiat et pratique incomparable."

Président d’honneur du premier congrès de l’Association Mondiale Anationale (SAT), fondée à Prague en 1921 et dont la langue de travail est l’espéranto, Henri Barbusse avait aussi ajouté dans la même préface :
"Certes, il n’est pas nécessaire pour compatir à la souffrance d’autrui, pour être révolté par l’injustice, de parler la même langue que les victimes. Il n’en est pas moins vrai que les bonnes volontés qui nous portent les uns vers les autres, que les axiomes de bon sens qui font que nous entrevoyons des ressemblances et des solidarités profondes, sont presque toujours enrayées dans la pratique par la confusion des langues."
Henri Barbusse avait effectivement perçu une aspiration à la fraternité entre bon nombre de belligérants. Bien qu’entravés par l’impossibilité de se comprendre, ces élans spontanés de fraternisation furent sauvagement réprimés.

L’espéranto est l’expression d’un idéal de fraternité et d’humanisme qui a pris forme dans l’esprit d’un enfant : Lejzer Ludwik Zamenhof. En 1905, lors du premier congrès mondial d’espéranto qui se tint à Boulogne-sur-Mer, Zamenhof déclara dans son discours d’ouverture :
"Je viens d’un pays, où plusieurs millions d’hommes luttent péniblement aujourd’hui pour la liberté, pour la plus élémentaire liberté humaine, pour les droits de l’homme. [. . .] Dans ce pays, nous assistons à un conflit cruel entre races. Là-bas, nous ne voyons pas des hommes d’un pays attaquer, pour des raisons politiques et patriotiques, des hommes d’un autre pays. Là-bas, les enfants naturels d’un même pays se jettent comme des bêtes cruelles contre des enfants naturels du même pays, uniquement parce que ceux-ci n’appartiennent pas à la même race. Tous les jours, de nombreuses vies humaines sont sacrifiées dans des luttes politiques, mais beaucoup plus nombreuses sont celles qui sont anéanties dans les conflits inter-raciaux. La situation est épouvantable dans le Caucase, où de nombreuses langues sont parlées ; elle est terrible dans l’ouest de la Russie. Qu’elle soit maudite, mille fois maudite, la haine raciale !

Abattez, abattez les murailles qui séparent les peuples. Donnez-leur la possibilité de se connaître librement et de communiquer sur une base neutre, et c’est alors que pourront cesser les atrocités que nous voyons commettre en tant d’endroits.

Nous ne sommes pas aussi naïfs que certains l’imaginent. Nous ne croyons pas qu’une base neutre transformera les hommes en anges ; nous savons parfaitement que les mauvais resteront mauvais, mais nous pensons que le fait de se connaître et de communiquer sur des bases neutres pourra éliminer la plus grande partie de ces crimes, de ces actes inhumains qui ne sont pas causés par une réelle méchanceté, mais simplement par une méconnaissance réciproque et par la volonté de se dominer les uns les autres.

Aujourd’hui, alors que, en bien des endroits, les conflits entre races sont devenus si cruels, nous, espérantistes, devons travailler plus dur que jamais."

Tout ceci ressemble trop à ce que l’on voit encore de nos jours à travers le monde, comme le drame qui ensanglanta la ville natale de Zamenhof et dont il parla en 1906 au congrès de Genève :
"Dans les rues, des sauvages armés de haches et de barres de fer se jetaient bestialement contre de paisibles habitants dont la seule faute était de parler une autre langue et de pratiquer une autre religion qu’eux. Pour cela, on fracassait les crânes, on crevait les yeux d’hommes, de femmes, de vieillards impotents et d’enfants sans défense [. . .]

De toute évidence, la responsabilité en retombe sur ces abominables criminels qui, par les moyens les plus vils et les plus fourbes, par des calomnies et des mensonges massivement répandus, ont créé artificieusement une haine terrible entre les peuples. Mais les plus grands mensonges et calomnies pourraient-ils donner de tels fruits si les peuples se connaissaient bien les uns les autres, si entre eux ne se dressaient des murs épais et élevés qui les empêchent de communiquer librement et de voir que les membres des autres peuples sont des hommes tout à fait semblables à ceux de notre propre peuple, que leur littérature ne prêche pas de terribles crimes mais la même éthique et les mêmes idéaux que la nôtre ?"