Utilité pratique

Publié le mardi 7 janvier 2003 par admin_sat

On dira que les programmes sont surchargés et que l’espéranto ne présente aucun intérêt pratique. Pour ce qui est de la surcharge des programmes, la question est mal posée : l’apprentissage de l’espéranto fait gagner beaucoup de temps à l’étude du français et des autres langues, mortes ou vivantes. C’est une fondation solide pour la construction ultérieure. Et l’expérience d’un premier apprentissage linguistique agréable est pour l’enfant un encouragement très réel à s’attaquer à d’autres langues. En outre, l’acquisition du vocabulaire anatomique, zoologique et botanique lui sera largement facilitée, la plupart des racines correspondantes étant, en espéranto, tirées du latin.

Ce n’est pas tout. Lorsqu’à 40 ans je me suis retrouvé sur les bancs de l’université pour étudier les mathématiques modernes et la logique formelle, j’ai constaté avec surprise que bien des difficultés que connaissaient mes camarades de 20 ans m’étaient épargnées grâce à la connaissance de l’espéranto. Je suis en effet habitué depuis l’enfance à différencier les notions de contraire et de contradictoire, qui sont incorporées de façon visuelle et phonétique dans la structure de cette langue (elles correspondent à des préfixes différents). De même, les difficultés que soulève le maniement de la négation en logique n’existent pas pour qui possède la langue internationale. La phrase « Tout ce qui brille n’est pas or » est une pierre d’achoppement pour les étudiants qui doivent l’exprimer avec les symboles de la logique mathématique moderne. Si on la transpose en espéranto on s’aperçoit qu’une traduction mot à mot serait incorrecte : chio kio brilas ne estas oro signifie « tout ce qui brille est fait d’une autre substance que de l’or », « il n’y a rien de brillant qui soit de l’or ». La traduction exacte est ne chiio kio brilas estas oro ou ne chio brila estas oro, littéralement « pas tout ce qui brille est or ». L’habitude de la cohérence qu’exige la pratique de l’espéranto est un auxiliaire précieux pour le maniement de l’outil logico-mathématique.

Quant à l’intérêt pratique au sens strict, si je repense à mes années de collège, je constate que l’espéranto m’a été infiniment plus utile dans ma vie d’adulte que, par exemple, le latin ou la géométrie. Certes, l’espéranto n’a aucun statut officiel, ce n’est pas la langue des affaires ou celle de la diplomatie, mais c’est une langue qui est parlée dans le monde entier par des gens ordinaires. Aussi est-ce au premier chef la langue des contacts humains. Parmi les nombreux touristes japonais qui visitent la Suisse, les seuls qui aient des contacts réels avec les familles de chez nous sont les espérantistes.

Si vous voulez faire le tour du monde, prenez donc la peine, avant de partir, de feuilleter l’annuaire de l’Association universelle d’espéranto. Vous y trouverez les noms des représentants locaux de l’association. Ayant appris la langue internationale, vous pourrez prendre contact avec un habitant de l’endroit à chacune de vos étapes ; c’est ainsi que vous rencontrerez par exemple (je cite d’après l’annuaire de 2001) : à Port-au-Prince (Haïti), Mlle Christine Théano ; à Ulan-Bator (Mongolie), M. Ganbaatar Deshigsuren ; à Plovdiv (Bulgarie), Mme Fani Mihajlova, physicienne ; à Erevan (Arménie), Mme Karine Arakejian, ingénieur ; à Necochea (Argentine), M. Juan Angel Diez, pharmacien ; à Adélaïde (Australie), M. Robert Felby, retraité ; à Douala (Cameroun) M. Mboge Mbele, représentant de commerce ; à Bagdad (Irak), M. Himyar M. Al-Rashid, traducteur ; à Bangalore (Inde) M. S.S. Pradhan, chef de train ; à San Francisco (Etats-Unis), M. Charles E. Galvin Jr, informaticien... Ce ne sont pas tous les espérantistes qui figurent dans cet annuaire, mais seulement les représentants locaux de l’association, ceux qui assument la responsabilité des contacts avec les étrangers. Leur liste, qui va de l’Albanie au Zimbabwe, couvre 183 pages dans l’annuaire de 2001. Combien de voyageurs non-espérantistes peuvent ainsi se mettre en rapport direct avec un habitant du pays sans problème de communication ? L’espéranto, sans intérêt pratique ? Allons donc !